Le Rôle De La Rétroaction Corrective Dans Le Développement De La Compétence Linguistique Des Apprenants De FLE

La rétroaction corrective dans l'apprentissage des langues étrangères

by Sherlin Suresh*,

- Published in Journal of Advances and Scholarly Researches in Allied Education, E-ISSN: 2230-7540

Volume 16, Issue No. 7, May 2019, Pages 33 - 37 (5)

Published by: Ignited Minds Journals


ABSTRACT

Cette communication examine le rôle de la rétroactioncorrective dans le développement de la compétence linguistique chez les étudiants de BA. Au cours des dernières décennies, les théoriciens de FLE ont exprimé de différents points de vue sur le rôle et le traitement des erreurs. Certains croient que les erreurs interfèrent au développement de la langue et devraient être exclues complètement. D’autres estiment que les erreurs sont positives parce qu’elles présentent l’état d’apprentissage actuel des apprenants et qu’elles jouent un rôle important dans le développement de la langue cible. Pourtant, tous les enseignants seront d’accord qu’il est essentiel de corriger ces erreurs linguistiques car ils risquent d’être fossilisés. Une technique qui peut aider les enseignants et les apprenants à surmonter ce problème est la Rétroaction Corrective également appelé le feedback correctif ou le retour correctif. Notre communication tente d’examiner comment cet outil peut aider les apprenants à éviter la fossilisation des erreurs et à développer leur compétence linguistique en langue étrangère.

KEYWORD

rétroaction corrective, compétence linguistique, apprenants de FLE, théoriciens de FLE, traitement des erreurs

1. INTRODUCTION

La production écrite est une compétence qui fait parti des objectifs de tout cours de FLE mais développer cette compétence est une tâche bien exigeante. En tant qu‘enseignant de langues étrangères, nous avons vu qu‘un grand nombre d‘élèves se confrontent a des difficultés de l‘écrit même aux niveaux avancés. L‘écriture est une compétence acquise qui demande un effort conscient. En essayant de développer cette compétence, les enseignants travaillent sur les différents aspects de l‘écrit comme l‘organisation du texte, le recueil des idées, la structure des paragraphes et l‘utilisation des connecteurs. Pourtant, on trouve que ces aspects sont difficiles à développer car les apprenants de langues étrangères ont souvent une faible compétence linguistique. Un lexique de base insuffisant, une connaissance limitée des structures grammaticales et un manque de connaissance des conventions d‘un genre deviennent de véritables obstacles dans le processus de l‘écriture. Comment surmonter cette lacune? Quelle technique aidera les apprenants à corriger leurs erreurs de façon efficace? La technique de la rétroaction corrective peut-elle aider les apprenants à surmonter les erreurs linguistiques. Ce sont les questions que nous nous sommes posées et auxquelles nous essayons de répondre dans cet article. Dans ce but, nous allons faire le compte rendu d‘une expérience que nous avons menée auprès des étudiants de BA 2eme année a EFLU Hyderabad. Notre objectif était d‘aider les apprenants à améliorer leur compétence linguistique et de corriger leurs erreurs afin d‘être des scripteurs plus compétents. Nous avons choisi la technique de la rétroaction corrective.

2. LA NOTION DE L’ERREUR

La notion de l‘erreur a changé au cours des dernières decennies.Les erreurs, considérées comme des signes de non apprentissage, étaient à éviter et mené aux sanctions.Les développements dans le domaine de la psychologie surtout la psychologie cognitive dans les années 70, a révélée que le cerveau humain ne se contente pas de recevoir passivement des données mais joue un rôle actif dans la construction d‘un savoir. La conception de l‘erreur a été transformée et une nouvelle conception de l‘erreur a été introduite avec l‘approche cognitive selon laquelle l‘apprentissage des langues est une activité d‘ordre cognitif de traitement de données et de formation d‘hypothèse. Alors avec l‘approche cognitive l‘apprenant n‘est plus considéré comme un être passif qui peut seulement répéter et mémoriser mais quelqu‘un qui peut construire son propre apprentissage. Lors de la construction de son une erreur. L‘approche constructiviste de Piaget a étudié le mode de construction des connaissances chez un individu. Piaget(1964), en plaçant le sujet au coeur du processus d‘apprentissage, a démontrée que l‘apprentissage est effectué dans une interaction entre un sujet et son environnement. Le sujet apprend en s‘adaptant à son milieu. L‘apprentissage se fait par un passage d‘une structure à l‘autre par un processus d‘équilibration. L‘adaptation est la recherche d‘un équilibre entre le sujet et le milieu. L‘approche socio-constructiviste de Vygotsky a également donné l‘importance à des agents culturels. Selon la théorie de [1] Vygotsky (1985), l‘apprentissage ne se fait pas par une accumulation des connaissances. Par contre, l‘acquisition des connaissances passe par une interaction entre le sujet, la situation d‘enseignement et les acteurs de la situation. Selon lui, les enseignants peuvent aider les apprenants à mieux apprendre s'ils comprennent où chaque enfant en est dans son développement (sa zone de développement proximale ) et s‘ils soutiennent l‘apprenant dans la construction de leur apprentissage. Vygotsky nomme ce processus de construction «l‘échafaudage» ou ―scaffolding‖. Le rôle de l‘enseignant est donc d‘organiser un milieu favorable pour l‘apprentissage et de guider l‘apprenant à construire ses structures. Les trois principes fondamentaux des modèles constructivistes se résument ainsi • la connaissance est construite par l‘apprenant et non pas transmisé et stockée; • l‘apprentissage nécessite l‘engagement d‘un apprenant actif qui construit sesreprésentations grâce à des intéractions avec du matériel ou des personnes; • le contexte joue un rôle déterminant dans le processus d‘apprentissage. Les théories socioconstructivistes et interactionnistes postulent que l‘apprenant a besoin de l‘interaction ou une autre forme de médiation pour apprendre. Ainsi à partir de l‘approche constructiviste et socio-constructiviste la conception de l‘erreur a changé et l‘erreur est considérée comme une étape positive dans l'enseignement et l‘apprentissage de la langue. Elle est placée au centre de l‘apprentissage et l‘enseignement de la langue. Les modèles constructivistes accordent une importance cruciale aux erreurs des apprenants et les considèrent comme les symptômes des obstacles dans le parcours de l‘apprentissage. Les approches récentes à l‘erreur nous montrent que l‘erreur n‘est plus une « les recherches en sciences de l‟éducation, et plus particulièrement en didactique, ont permis de passer d‟une conception négative des erreurs donnant lieu à sanction, à une conception nouvelle où celles-ci apparaissent plutôt comme un indice de la manière dont fonctionne le processus d‟apprentissage et comme un témoin précieux pour repérer les difficultés des élèves. » Ces approches constatent que - Chaque apprenant a son propre rythme d‘apprentissage. La pédagogie doit tenir compte des différences. - Les erreurs peuvent être remédiées

- L‘analyse des erreurs et l‘identification des problèmes individuels peuvent mener à une remédiation des erreurs, pour aider les élèves en difficulté à surmonter les difficultés.

La technique de la rétroaction corrective, est basée sur ces théories.

3. LA RÉTROACTION CORRECTIVE

Définissons brièvement la rétroaction corrective. La rétroaction corrective également appelé le feedback correctif ou retour correctif est toute indication de l‘usage erroné, l‘usage qui ne correspond pas à la langue cible,donnée par l‘enseignant à l‘apprenant. Cette pratique vise à attirer l‘attention de l‘apprenant sur ses erreurs et de le rendre conscient des erreurs.Le but est de sensibiliser l‘apprenant à s‘auto-corriger au lieu de simplement lui indiquer les erreurs. La rétroaction se réfère donc à une intervention par l‘enseignant lorsqu‘un apprenant émet un énoncé fautif sans pourtant briser l'écoulement de la communication.

[3] Lyster et Ranta ont développé en 1997 une catégorisation de la rétroaction corrective. Ils identifient six types de rétroaction corrective à savoir • La correction explicite • La reformulation • La répétition de l‘erreur • La demande de clarification • L‘indice métalinguistique • L‘incitation

techniques modélisatrices et les techniques incitatives. La première catégorie est fourni d‘une façon explicite par exemple la correction explicite et la reformulation. Dans ce type de rétroaction l‘enseignant donne la forme correcte à l‘apprenant. La deuxième catégorie est incitative ou implicite car l‘enseignant ne fournit pas la forme correcte à l‘apprenant mais il l‘ incite à se corriger. Comme [5] Ammar (2015) constate que « La RC directe englobe les techniques à travers lesquelles l‟enseignant fournit la forme correcte à l‟apprenant. La RC indirecte, quant à elle, incite l‟apprenant à s‟auto corriger, entre autres, à l‟aide du soulignement, de l‟encerclement, du codage arbitraire (ex. les codes de couleurs) ou du codage linguistique (ex. S pour syntaxe). » Les techniques incitatives incluent la répétition, la demande de clarification, l‘incitation et l‘indice métalinguistique. La choix des techniques est direct ou indirect selon le niveau de l‘apprenant. Un apprenant de niveau élévé pourrait profiter des techniques indirectes mais un apprenant de niveau faible auraient besoin parfois des techniques directes. Voyons par la suite quelques exemples tirés de notre expérience. 6 apprenants de BA 2eme année ont participée à cette expérience. La tache était d‘écrireune rédaction sur « Mon premier jour à l‘université. » Nous allons demontrer quelques exemples pour comprendre comment nous avons utilisé les différents types de feedback correctif basés sur le niveau de l‘apprenant pour développer la compétence grammaticale à l‘écit.

3.1. La correction explicite :

Ce type de correction est direct puisque le médiateur indique l‘erreur à l‘apprenant pour que l‘apprenant la comprenne et la corrige. L‘apprenant n‘est pas capable de remarquer son erreur tout seul. Par conséquent, le mediateur corrige l‘erreur d‘‘une manière explicite en lui fournissant la forme correcte. Exemple 1 Médiatrice: c‘est un mémorable jour de ma vie. un mémorable jour ou jour mémorable ? Apprenant : memorable jour. Mediatrice : non.. Jour memorable. L‘adjectif est placé après le nom. Exemple 2 Médiatrice: vous utilisez quelle préposition après le verbe ―jouer‖? Apprenant: ……. Médiatrice: j‘ai joué au football et au badminton,

3.2. La reformulation : La reformulation est une technique explicite où le médiateur refait la phrase et lui fournit la version correcte. Exemple 1

Apprenant: le prof serait écolé …. Médiatrice: écolé ?Ah. C‘est en colère …. Apprenant: enrolé….., encoler….. En colere. Médiatrice: Vous avez compris ? Apprenant: Oui. j‘ai compris… Le prof serait en colère.

Exemple 2

Médiatrice: donc j‘ai choisi ma deuxième option qui est une langue…. Est-ce que vous pouvez reformuler cette phrase? Apprenant: j‘ai choisi la langue qui est ma deuxième option…. Dans cet exemple, la mediatrice a refait la phrase en remplaçant la phrase incorrecte par la formule correcte « en colere ». Dans le deuxieme exemple, le mediateur demande a l‘apprenant de reformuler la phrase.

3.3. La correction implicite. 3.3.1. La répétition de l’erreur par le mediateur : Le mediateur /la médiatrice répète la forme erronée en attirant l‘attention de l‘apprenant à son erreur. Sans fournir directement la forme correcte, elle corrige l‘erreur d‘une manière implicite.

Exemple 1 Apprenant: j'‖était‖ en retard. Mediatrice: Vous avez ecrit ―etait‖? AIT??? Mediatrice: ma premier cours? Apprenant: ―mon‖ Exemple 3 Mediatrice: je___ compris…. Apprenant: j‘ai compris… Exemple 4 Médiatrice: les étudiants a beaucoup de liberté… Apprenant: ont…. Exemple 5 Médiatrice : j‘ai fait un faut… Apprenant: une faute…

3.3.2. La demande de clarification :

Le médiateur demande à l‘apprenant une clarification et propose la réponse correcte. Exemple 1 Médiatrice: je suis arrivé à la grande porte d‘ EFLU. ( la porte est ce qu‘on voit dans chaque salle de classe). Est- ce que vous pouvez utiliser un autre mot? Vous voulez dire quoi exactement ? Apprenant: main entrance …….. Médiatrice: Peut-être vous voulez dire « l'entrée principale… » Exemple 2 Médiatrice: j‘aimais la liberté et especiallement le bon rapport….. est-ce que vous voulez dire « surtout » ici ? Apprenant: ah oui… surtout ou notamment… Exemple 3 Médiatrice: je n‘avais jamais cette lien pendant mon temps dans l‘ecole. Est-ce que vous pouvez réexpliquer cette phrase ? Apprenant : I never had this relationship during my time in school, I wanted to say…. Médiatrice: vous pouvez dire « le rapport »

3.3.3. L’indice métalinguistique :

Le médiateur aide l‘apprenant à se corriger à travers des indices métalinguistiques en faisant référence aux règles qu‘il connait déjà. Exemple 1 Médiatrice: Regardez votre première phrase.‖ mon premier jour au université‖? Apprenant: mon premier jour a université Médiatrice : est- ce que c‘est a université? Apprenant : ------------ à ( elle répète encore ―à‖ ) Médiateur: ― regardez le mot université‖ le mot universite commence avec un? Apprenant : vowel?! Médiatrice: oui une voyelle. Et alors? Apprenant: l‘université. Médiatrice : on utilise ―au‖ pour les noms masculins, ―à la‖ pour les noms féminins . Et avec une voyelle? Apprenant: à l‘université Exemple 2 Médiatrice: les professeurs sont patientes et amicales ….. Le mot ‗professeur ‗ est masculin ou féminin? Apprenant: masculin… les professeurs sont patients et amicaux… Exemple 3 Médiatrice: c‘est pour cette raison j‘arrivais à eflu. Est-ce que c‘est imparfait ou passe compose? Apprenant: passé composé…je suis arrivé…. Médiatrice: pourquoi ? Apprenant : c‘est une action. Mediatrice: oui c‘est une action terminé au passé. Exemple 4 Mediatrice: mais la realite est differente…. Apprenant: etait..

Médiatrice : j'étais choqué quand j‘ai vu les femmes qui fument et buvent … vous avez utilisé le présent? Apprenant: fumaient et buvaient..

3.3.4. L’incitation :

Le mediateur/la médiatrice essaie d‘inciter l‘apprenant à trouver la forme correcte en lui posant des questions sur le contexte et le temps du verbe. Exemple 1 Médiatrice: je ―suis‖ en retard? Aujourd‘hui? Apprenant: non passé…. Médiatrice: je suis en retard, au passé? Apprenant:------ Médiatrice: Ecrivez le verbe « être » au passé Apprenant: j'‖était‖ en retard. Mediatrice: ―etait‖? Ait??? Apprenant : Ais…( Il écrit « J‘étais ») A travers ces quelques exemples nous avons essayé de démontrer comment l‘enseignant peut utiliser la technique de la rétroaction corrective pour aider l‘apprenant à surmonter les erreurs linguistiques lors de la rédaction d‘un texte. Il faut dire ici que nous avons également utilisé cette technique pour travailler les autres aspects de l‘écrit comme l‘organisation des idées et l‘utilisation des articulateurs logiques. Cette technique peut être pratiquée avec des apprenants individuellement ou en groupe.

4. CONCLUSION

Pour conclure, nous pouvons dire que la rétroaction corrective est une technique efficace qu‘on peut utiliser non seulement dans le contexte de l‘écrit mais aussi dans le développement de toutes les autres compétences. Pourtant, tout en constatant que la rétroaction corrective est une pratique très utile, elle peut poser certaines limites en classe. Les recherches récentes nous démontrent que quelques techniques rétroactives ne sont pas toujours efficaces et peuvent évoquer des signes de la validation de la forme incorrecte chez les apprenants au lieu de la correction .Les erreurs risquent également d‘être fossilisées. D‘ailleurs, il n‘est pas toujours évident qu‘un apprenant soit capable de reconnaitre ses erreurs et de se corriger. réfléchie.

REFERENCES

1. Vygotski, Pensée et langage, Paris. 1985, Éditions Sociales (cité dans Nehaoua (2010) p 84) Les idiosyncrasies scolaires dans l‘apprentissage d‘une langue étrangère Lounis Nehaoua Synergies Algerie no 9 2010 83-91 2. VNU journal of science, Foreign languages 27 (2011) pp. 256-264 3. Lyster, R., & Ranta, L. (1997). Corrective feedback and learner uptake: Negotiation of form in communicative classrooms. Studies in Second Language Acquisition, 19 (1), pp. 37-61. 4. M.F. Torrent (2016). Le processus décisionnel sous-jacent à la rétroaction corrective des enseignants de français langue seconde à l‘oral Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada April 2016 5. A. Ammar, D. Daigle, P. Lefrançois (2013). La rétroaction corrective écrite dans l'enseignement du français au Québec: Effets du type d‘erreurs, du profil de l‘apprenant, du contexte d'apprentissage et de l‘ordre d‘enseignement : Université de Montréal, FRQSC, Action Concertée Rapport de Recherche, 2013-ER-166072.

Corresponding Author Sherlin Suresh*

French and Francophone Studies, English and Foreign Languages University, Hyderabad

sherlinsuresh@gmail.com