La Classe Inversée au Service du FLE : Perspectives et Enjeux

L'intégration de la classe inversée dans l'enseignement du FLE

by Dr. Jayapal Sharmili*,

- Published in Journal of Advances and Scholarly Researches in Allied Education, E-ISSN: 2230-7540

Volume 16, Issue No. 7, May 2019, Pages 142 - 145 (4)

Published by: Ignited Minds Journals


ABSTRACT

Habitant dans un monde en perpétuel changement, notre survie dépend de notre capacité à évoluer, s’adapter et surtout acquérir de nouvelles compétences. Le système éducatif est ainsi dans l’obligation de préparer les apprenants à faire face à ce monde, en répondant à leurs besoins. Malheureusement, les établissements académiques qui ont un cursus à suivre sont parfois dans l’obligation de mettre l’emphase sur l’explication de la théorie, mais les étudiants n’ont pas toujours l’occasion de la mettre en pratique. Faute de temps, les enseignants se limitent avec quelques exercices de pratique, explorés en classe. Un des objectifs principaux de l’approche actionnelle est la réorganisation d’une classe de langue afin de consacrer plus de place à la pratique réelle et effective de la langue dans un contexte authentique. En effet, apprendre une langue ne signifie plus la même chose qu’il y a quelques années. Depuis 2004, une nouvelle approche pédagogique semble bouleverser l’organisation logistique d’un cours C’est la notion de « la classe inversée » ou connu en tant que « flipped classroom », où le processus d’apprentissage est plus centré sur l’apprenant, qui agit en autonomie sous la tutelle de l’enseignant, qui devient un formateur, plutôt qu’un détenteur de connaissances. Nous verrons comment ce nouveau concept peut s’appliquer à une classe de FLE ainsi que les enjeux liés à la préparation et au déroulement du cours.

KEYWORD

Classe inversée, FLE, perspectives, enjeux, approche actionnelle, langue, autonomie, formateur, connaissances, cours

I. INTRODUCTION

La classe inversée consiste à déplacer la partie magistrale d‘un cours à la maison et à utiliser le temps de classe pour la mise en pratique des notions étudiées auparavant. En effet, l‘enseignant fournit aux étudiants la théorie sous forme de manuels, de modules vidéos, ou de ressources disponibles en ligne, afin qu‘ils puissent les explorer par eux-mêmes, pour ensuite en discuter en classe et tester leurs connaissances avec des exercices pratiques, sous la surveillance de l‘enseignant. Un vrai bouleversement dans l‘apprentissage, puisque cela renverse le processus pédagogique traditionnel, selon lequel l‘enseignant est vu comme source de savoir, qu‘il communique à ses élèves, plutôt passifs. Néanmoins, la classe inversée transforme ce contexte, car l‘enseignant devient un guide et un conseiller, chargé d‘accompagner ses élèves, qui auront parcouru les théories au préalable, afin de mettre en pratique ce savoir.

II. ORIGINE ET PERSPECTIVE DE CETTE APPROCHE

Lorsqu‘il s‘agit de remonter à l‘origine de cette approche, on ne peut se limiter à un seul nom. Cette méthode existait déjà dans l‘enseignement des sciences humaines, où les enseignants donnaient souvent aux étudiants des documents à lire chez eux, afin de les discuter en classe. Cependant, c‘est la croissance des moyens technologiques des années 2000, qui ont favorisé l‘expansion de cette approche. Ainsi, le cours magistral est remplacé par des ressources pédagogiques, telles que les vidéos instructives et les MOOC (cours en ligne ouverts et massifs) dont le but est de transmettre le contenu théorique à un grand nombre de personnes. En 2000, Maureen Lage, Glenn Platt, et Michael Treglia ont mis en avant une technique similaire qu‘ils ont nommé la classe inversée et qu‘ils ont essayée dans leur cours d‘économie. Cependant, les pionniers de cette approche sont deux enseignants de chimie américains, Jonathan Bergman et Aaron Sams, qui ont commencé à créer des vidéos en ligne, afin que les élèves absents en bénéficient, leur offrant la possibilité de réviser le contenu du cours sans l‘aide du professeur. Leur nouvelle méthode a été vite appréciée même par ceux qui étaient présents en classe, car cela leur permettait de mieux comprendre et retenir les notions difficiles. En 2007, Bergman et Sams ont su popularisé ce concept, encourageant d‘autres enseignants à expérimenter dans la même voie, se servant des possibilités des TICE. Plus récemment deux

professeur de biologie cellulaire et moléculaire a l‘Université Catholique de Lille, se consacre depuis quelques années aux innovations pédagogiques, qu‘il met en application lors de ses cours. Sa spécialité est la classe inversée, qui devient aussi une classe renversée ; il s‘agit d‘amener les étudiants à chercher les ressources nécessaires pour former le cours. Quant à Marcel Lebrun, professeur en technologies de l'éducation à l'Université Catholique de Louvain, il est connu pour ces interventions lors des colloques, et partage ses réflexions sur les bienfaits de la classe inversée, un dispositif hybride, permettant à l‘enseignant de «consacrer plus de temps à l‟application, à la guidance individualisée, à la personnalisation et à la contextualisation »1. A ce propos, il serait important de citer le nom de Salman Khan, qui a introduit en Inde la méthode de la classe inversée à travers son site éducatif « Khan Academy » qui offre des cours en ligne, il s‘agit surtout de micro-leçons vidéos en mathématiques. Il s‘agit d‘une façon intéressante d‘aborder la classe différemment, mais ce n‘est pas une révolution pédagogique, mais plutôt un changement de perspective, dont la mise en place semble être facilitée par les technologies actuelles, permettant de construire des séquences pédagogiques variées. A ce stade, l‘on pourrait se demander le besoin d‘appliquer une telle méthode dans les autres matières, voire comment cette approche aurait un impact dans l‘enseignement des langues étrangères, plus particulièrement le FLE. Généralement, dans un cours de langue étrangère pour débutants, les étudiants sont souvent amenés à découvrir le vocabulaire de base, la phonétique ainsi que la grammaire, à travers des documents, des règles expliquées en classe et se poursuit par des activités à faire à la maison. Cette pédagogie traditionnelle semble se concentrer surtout sur l‘explication de la théorie qui risque d‘accaparer le cours entier, laissant pas ou peu de place aux apprenants pour maitriser cette langue, qu‘ils sont censés employer dans des situations réelles. Les étudiants pourraient faire face à une ambiance similaire dans une classe de FLE, car ils ne bénéficient pas toujours du nombre d‘heures requis pour se familiariser et pratiquer le français, une langue qu‘ils viennent tout juste d‘explorer. Par exemple, les premiers cours de FLE, destinés à des vrais débutants, ne peuvent se faire en consultant une méthode de français, puisqu‘ils doivent permettre aux apprenants d‘être à l‘aise en se familiarisant avec les sons et le vocabulaire de base. L‘alphabet, la phonétique et le lexique élémentaire peuvent être explorés durant le cours, cependant l‘on se rend compte que cela requiert de nombreuses heures de cours, et due a

1 Classe inversée ? Oui, mais… quoi et comment ? Marcel Lebrun. Transcription de la conférence

auparavant. Comme le cours est expliqué en classe, les apprenants ne ressentent pas toujours le besoin de revenir sur les leçons, et tentent uniquement de faire les devoirs à la maison. Néanmoins, un problème se pose : tout le monde n‘a pas le même rythme de travail, le même degré de motivation, les mêmes besoins, ainsi l‘enseignant se retrouve parfois devant deux types d‘apprenants : ceux qui ont fait l‘effort de revoir le cours et restent motivés durant la classe, les autres qui n‘ont pas fait cet effort supplémentaire, et demeurent assez passifs. Selon certains pédagogues, la classe inversée pourrait offrir une solution à ce problème. Ainsi, dans un cours de FLE, certaines séances pourraient suivre cette nouvelle approche. Comment mettre en pratique cette démarche ? L‘enseignant doit d‘abord préparer son cours sous forme de modules variés : des ressources en lignes, surtout des vidéos explicatives, des documents sonores, des diaporamas, des articles, des flashcards, des documents pdf, suivi d‘activités de synthèse (un questionnaire), que les apprenants doivent faire tout en explorant le cours. Ainsi, ils se familiarisent avec le contenu du cours chez eux, selon leur rythme, et sont amenés à traiter entre eux de ce qu‘ils ont découvert, et à utiliser les concepts vus au préalable. Dans un cours de FLE, l‘enseignant pourrait préparer un module sur les sons du français en mettant à la disposition des étudiants des documents sonores, qu‘ils doivent écouter avant de venir en cours. Cela représenterait un gain de temps, car le temps qui était réservé pour le cours magistral pourrait maintenant être consacré à l‘accompagnement des étudiants, et accorder plus de temps à l‘acquisition des compétences plus exigeantes. Par exemple, l‘enseignant peut les faire travailler sur certains sons qui posent problèmes, tels que le fameux « r » ou le « u ». D‘une part, cela pourrait rendre le cours moins lassant et répétitif, et pourrait conférer à l‘apprenant un certain degré d‘autonomie, puisqu‘il est responsable de la consultation des ressources, qu‘il est censé mettre en pratique en cours. Cela nous amène à un renversement des rôles. L‘étudiant n‘est plus un simple consommateur passif, un receveur de savoirs, mais un producteur actif qui s‘implique davantage dans les cours et développe un esprit critique. De la même manière, l‘enseignant n‘est plus le transmetteur de connaissances, mais un tuteur censé créer une ambiance favorable à l‘apprentissage. Cette inversion des rôles pourrait favoriser une meilleure communication entre le professeur et les étudiants. En outre, cette démarche pourrait faciliter le travail de groupe, car quel que soit le niveau, les étudiants apprennent les uns des autres. Ceux qui ont des difficultés bénéficieront du soutien et des explications des autres, alors que pour les étudiants les plus à l‘aise, ce sera l‘occasion d‘approfondir leur progression individuelle de chaque étudiant. En tout cas, l‘enseignant est toujours présent pour éclaircir certaines notions obscures ou clarifier les ambiguïtés.

III. LES CONDITIONS DE SUCCES DE CETTE APPROCHE

Cette innovation pédagogique pourrait risquer de déstabiliser les étudiants ancrés dans un système éducationnel qui les a habitués à découvrir de nouveaux concepts en cours avec l‘enseignant. Du coup, il se peut qu‘ils ne soient pas entièrement prêts à appréhender de nouvelles notions en autonomie. Ils peuvent se sentir pris au dépourvu, s‘ils n‘ont pas la moindre idée à propos de cette démarche. Ainsi, avant de se lancer dans un cours inversée, l‘enseignant se doit de préparer ses étudiants à cette nouvelle manière, assez inhabituelle, d‘aborder le cours, en leur expliquant les modalités et l‘intérêt de tenter cette démarche, leur faire comprendre comment cela marche, et surtout comment exploiter le matériel fourni afin que l‘apprentissage se déroule. S‘il agit d‘une capsule vidéo, le professeur peut leur montrer qu‘ils ont la possibilité d‘arrêter et de revenir sur un point donné, afin de dissiper la moindre ambiguïté. Par conséquent, la première vidéo peut être visionnée ensemble en cours, afin d‘expliquer la démarche à entreprendre par les étudiants, qui par la suite, doivent être en mesure d‘expliquer le concept traité aux autres. Une approche qui renverse la pédagogie traditionnelle, ainsi l‘on doit les préparer à s‘aventurer dans cette nouvelle voie avec assurance. En ce qui concerne l‘enseignant, la mise en pratique de la classe inversée demande une énorme préparation qui exige du temps, de la planification et de l‘imagination, car les ressources fournies aux étudiants doivent être engageants et assez courts, pour maintenir leur attention jusqu'à la fin de la séance. Si les étudiants manquent de motivation, ils ne feront pas l‘effort de consulter les modules proposés par l‘enseignant, et ne pourront donc pas participer aux activités de mise en pratique, ainsi cette approche ne fonctionnera pas. Maintenir l‘intérêt des apprenants est un des aspects-clés de la classe inversée, et requiert une certaine créativité par rapport aux modules à découvrir chez eux et aux taches à faire en classe, car ils risquent de vite se lasser et perdre leur motivation en cours de route, si le contenu du cours est monotone ou laborieux. Pour éviter de telles situations, il revient à l‘enseignant de proposer des activités ludiques et variées, et préparer le cours de façon à leur donner l‘envie d‘aborder de nouvelles notions en autonomie, et de réinvestir le contenu appris. Dans de telles circonstances, les ressources numériques peuvent être d‘une grande utilité pour préparer le cours, car elles offrent une gamme variée de documents interactifs, peut La classe doit ainsi créer une telle ambiance, en offrant aux apprenants diverses notions acquises. Un autre souci concerne le déroulement du cours, car l‘on pourrait avoir l‘impression que si tout a été fait à la maison, que reste-il à faire en classe. Or le rôle de l‘enseignant ne doit pas se réduire à un observateur silencieux, qui surveille ses étudiants travaillé. Au contraire, l‘enseignant conserve un rôle primordial, car il doit s‘assurer de la bonne compréhension des notions, à travers des tests ou des fiches d‘exercices qu‘il peut distribuer en classe. Cela permettra également à l‘enseignant d‘employer le temps de classe de manière instructive, car au-delà de la mémorisation des concepts, il s‘agira pour les étudiants de bien maitriser le sujet, puisqu‘ils l‘ont déjà découvert auparavant. Un autre inconvénient de la classe inversée pourrait être un accès limité à l‘internet, ou des conditions de travail hors de l‘école, qui ne soient pas très bonnes. En plus, tous les établissements académiques ne possèdent pas les moyens technologiques nécessaires pour faire travailler les étudiants avec le numérique, sans compter que les enseignants doivent avoir reçu une formation pour intégrer les TICE dans leur cours. Savoir manier les ordinateurs portables, les tablettes ou les projecteurs n‘est pas toujours évident pout tout le monde. Cependant, la classe inversée ne nécessite pas exclusivement l‘emploi du numérique, contrairement à ce que l‘on pourrait imaginer, et ainsi elle ne doit pas se réduire à un simple visionnement d‘une capsule vidéo. Le contenu théorique peut être offert sous d‘autres formes, l‘unique préalable étant qu‘il doit être appréhendé à la maison.

IV. CONCLUSION

L‘approche de la classe inversée semble être en accord avec les principes du CECR, qui se fonde sur l‘approche communicative, selon laquelle les apprenants se familiarisent avec des contextes précis, des taches et des objectifs à atteindre, afin d‘acquérir les compétences nécessaires à la communication. Cependant, les expérimentations et les témoignages sur l‘application de la classe dans une classe de langue doivent se poursuivre afin d‘avoir un meilleur aperçu de cette méthode, qui ne conviendraient par nécessairement pour toutes les matières, ni pour tous les cours. Néanmoins, elle impliquerait une véritable réorganisation de la classe, conférant aux étudiants plus d‘importance et de responsabilités, tout en exigeant un réel effort de planification et de suivi de la part de l‘enseignant. Des efforts qui en vaudront la peine, lorsque cette approche portera ses fruits. Nous espérons que d‘autres tentatives d‘application de la classe inversée se dérouleront partout dans le monde, afin que l‘innovation pédagogique se poursuive dans la bonne direction.

Classroom. Reach Every Student in Every Class Every Day. » Colorado: International Society for Technology in Education. Cailliez Jean-Charles, Henin Charles, La classe renversée (2017). L'Innovation pédagogique par le changement de posture, ELLIPSES MARKETING (7 novembre 2017). Marcel Lebrun, Julie Lecoq (2016). Classes inversées : Enseigner et apprendre à l'endroit !, réseau Canopé (1 Janvier 2016).

ROPSU, R. (2016). « Flipped classroom : a case study of Estonian Basic school EFL classes. » Tartu Ülikool. Sitography

[https://flippedclass.com/about-m/] [https://www.usherbrooke.ca/ssf/veille/perspectives-ssf/numeros-precedents/novembre-2011/le-ssf-veille/faire-la-classe-mais-a-lenvers-la-flipped-classroom/] [http://www4.ac-nancy-metz.fr/pasi/IMG/pdf/54nancyljdarcinno2016-clinversanncn23-8-2.pdf]

Corresponding Author Dr. Jayapal Sharmili*

Assistant Professor, Department of French, Pondicherry University sharmignonne@gmail.com